Que s’est-il donc passé, nous interrogions-nous la semaine dernière, pour passer des conquêtes sur les sables aux conquêtes par les sables qui ont, aujourd’hui, considérablement rétréci les espaces verts, véritables poumons pour tous les vivants, avant de souligner que certains facteurs de cette dégradation sont assurément d’origine externe tandis que d’autres sont de notre fait, de nos méfaits, précisions-nous. En tête de ces méfaits, citons la déforestation. Une décennie durant— fin des années 50 et débuts des années 60, pour tout dire — nous nous sommes employés, du nord au sud du pays et de son est à son ouest, à densifier la végétation partout où c’était possible, en milieux urbains et en campagnes et jusque dans le désert. Nous avons mobilisé à cette fin toutes les ressources humaines du pays, de la société civile (organisations de la jeunesse, élèves, détenus, etc.) à l’Armée nationale ; et cela nous a valu, pour ne citer que la capitale, les parcs du Passage et d’El-Gorjani, sans compter les espaces verts obligatoires dans tous les projets immobiliers nouveauxv —d’où l’emblématique cité Ez-Zouhour. Et ne parlons pas des grands chantiers de reboisement qui se sont étendus aux reliefs ravinés, aux plateaux nus et arides et jusqu’aux confins du désert. Le Pouvoir est allé jusqu’à interdire l’élevage des caprins, jugé nuisibles à la végétation ! Le manteau vert s’étendait à vue d’œil.
Un commerce facile et très lucratif pour satisfaire les appétits de prédateurs insatiables
Et puis quelques esprits perspicaces ont «découvert» que le commerce du bois pouvait être très lucratif, surtout lorsqu’il suffisait d’aller abattre les arbres en plein cœur des forêts, question de ne pas se faire remarquer par d’éventuelles autorités tatillonnes. Quant aux gardes-forestiers, quant aux contrôles routiers, il y avait toujours moyen de s’arranger. Et puis la classe moyenne émergeant dans un flot toujours croissant de voitures est venue ouvrir un boulevard devant les prédateurs : il fallait élargir les voies d’accès aux villes, d’où l’abattage des arbres en bordure des routes. A Carthage, de vénérables eucalyptus aux troncs et branches appétissants et à la toison abondamment fournie obstruaient la vision des services de sécurité aux abords du palais présidentiel : qu’à cela ne tienne. On les abat, au moins d’un côté de la route. Ce n’était pas perdu pour tout le monde, et c’était dans les années 80. Faut-il enfin rappeler la série d’incendies, volontaires à des fins spéculatives foncières ou dans des intentions terroristes, notamment du côté de Dar Allouch, au Cap-bon, ou de Laâroussa, dans la délégation de Bouarada, aux débuts de la décennie écoulée, qui a ravagé des centaines, voire des milliers d’hectares. A ces menées criminelles est venue se greffer une baisse patente de l’engagement officiel pour la cause du reboisement. Dans les villes, l’emplacement de chaque arbre qui vient à manquer est cimenté ! Dans le meilleur des cas (en fait par paresse) se contente-t-on d’en laisser subsister un moignon…
Nous sommes donc bien responsables de ce qui nous arrive en matière de dérèglement climatique. Pour autant, tout n’est pas perdu. Bien des choses sont rattrapables. Il ne reste qu’à nous de nous y mettre.